Expériences inspirantes

Expériences inspirantes

Chapo
Nombre de pistes de reconnaissance des activités hors emploi existent déjà dans notre protection sociale. C’est une bonne nouvelle ! En effet, des « cases » ont été créées qui ont ouvert de nouveaux droits et rétributions permettant de reconnaître et de sécuriser certaines de ces activités.
Ces dispositifs, que nous avons inventoriés sans en faire une analyse approfondie, montrent que des solutions sont possibles.
Corps

(pour plus de détails, voir le rapport "Un boulot de dingue")

 

     Parentalité, le droit à des trimestres de retraite.

Le modèle de la reconnaissance de la mise au monde et de l’éducation des enfants par la validation de trimestres de retraite nous donne des pistes et des arguments. De même, élever trois enfants donne droit à une majoration de 10 % du montant de la retraite. Ce mode de rétribution d’une contribution utile pour la société, l’éducation, pourrait être appliqué à d’autres contributions.

 

      Des statuts déjà reconnus : aidants, pompiers volontaires, élus

Plusieurs contributions utiles à la société font déjà l'objet de dispositifs de reconnaissance statutaire. Nous ne prétendons pas ici en faire l'inventaire précis et exhaustif (voir ici pour un tour d'horizon très rapide), ni l'évaluation qui serait nécessaire. Mais ces statuts spécifiques donnent quelques balises et montrent qu’il est possible de concevoir des modes de reconnaissance particuliers pour d’autres activités ou situations !

 

      La rémunération de l'expertise et les indemnisations

Peuvent également faire l’objet d’une rémunération ou d’une indemnisation la fourniture d’une expertise hors emploi ou l’astreinte liée à une contribution citoyenne. C’est le cas des jurés d’assises, qui peuvent bénéficier d’indemnités de comparution durant le procès. Ce principe a été repris pour la participation à la Convention citoyenne pour le climat.

Jurés d’assises et convention citoyenne pour le climat.
Les citoyennes et les citoyens tirés au sort pour être  jurés d’assise sont tenus d’honorer cette responsabilité, qui leur ouvre aussi certains droits1 :
→ Une indemnité de comparution (96,16€ par jour) qui peut se cumuler au salaire.
→ La possibilité d’une indemnité compensatrice de perte de revenus (11,27 € par heure ; maximum 8h par jour) si l’employeur ne maintient pas la rémunération. Rien n’est en revanche prévu pour la retraite (ce qui se traduit même par une perte de droits en cas de suspension du contrat de travail).
→ Une indemnité journalière de repas, de transport et d’hébergement pour le juré retenu hors de sa résidence.
C’est le même dispositif qui a été retenu pour les citoyens qui ont participé à la Convention citoyenne pour le climat, qui a également pris en charge le coût de la garde d’enfants, sur la base de 18 € /heure (cotisations patronales incluses) et sur justificatifs afin de permettre aux parents, notamment solos, de participer aux travaux2.

Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a obtenu (décret du 14 juin 2022) la neutralisation des indemnités journalières et supplémentaires versées aux citoyens participant à ses commissions. Au moment d’évaluer leur éligibilité et le calcul de leurs droits à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), à l’allocation aux adultes handicapés (AAH), aux aides personnelles au logement (APL) et à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), elles peuvent désormais éviter l’écueil, relevé ci-dessus, d’une diminution de leurs ressources.

 

      La reconnaissance symbolique

Des cérémonies collectives ont eu lieu à l’issue du confinement, pour remercier les couturières de masques. Cette initiative a retenu notre attention car il s’agit d’une forme de reconnaissance collective visant à reconnaître et à remercier l’effort bénévole. Nous restons cependant vigilants, dans ce type d’actions, à ne pas tomber dans le piège cité précédemment de la double dévalorisation ou de la stigmatisation de celles et ceux qui ne peuvent pas contribuer à ce moment, mais aussi au risque de passer à côté d’un débat démocratique pour décider de manière personnelle et unilatérale des activités « méritantes ».

 

      Le compte d'engagement citoyen

C’est un dispositif récent créé en 2016 qui permet aux bénévoles associatifs exerçant des responsabilités dans l’association (et plus largement aux volontaires, aux pompiers…) de faire reconnaître le temps investi. Il est affiché avec un objectif de « gratification » des personnes les plus investies (200 heures par an a minima). Les heures déclarées ouvrent des droits à formation qui viennent se cumuler au compte personnel de formation (CPF).

Des réflexions sont en cours, notamment dans des syndicats, pour tenter d’élargir ce dispositif avec des projets de banque de temps3 et de meilleure articulation entre les temps de vie personnelle et professionnelle 4.

 

      La valorisation des acquis de l'expérience (VAE et RAE)

Ce dispositif permet de transformer une expérience professionnelle, bénévole, syndicale ou élective en une reconnaissance par une certification professionnelle. Ce dispositif, initialement créé pour les salariés, a été élargi et ouvert à des expériences hors emploi et aux personnes en situation de handicap avec la RAE (reconnaissance des acquis de l’expérience) 5. C’est positif !

Le programme Osons les Savoirs de l’Expérience de l’Exclusion (OSEE) d’ATD Quart Monde est un parcours de formation expérimental mené de 2020 à 2023, à destination de personnes ayant une expérience vécue de précarité, investies dans des associations et ayant quitté le système scolaire sans diplôme, pour qu’elles se professionnalisent dans les domaines de l’intervention sociale et de l’animation.

     

     Délibérer sur les activités utiles et vitales : un enjeu démocratique, de solidarité et d'écologie.

Cette réflexion nous a finalement amenés à l’enjeu de la délibération collective : comment décide- t-on, à l’échelle nationale ou à l’échelle du territoire, de manière démocratique, que des activités sont utiles et vitales et valent reconnaissance, et que d’autres ne le sont pas ? Où et comment se posent les frontières de l’encouragement, de la reconnaissance, de la sécurisation de ces activités ? Comment en évalue-t-on l’impact social et écologique ?

Ce travail d’inventaire, d’analyse et de délibération sur les activités utiles et vitales aiderait à poser des bases partagées à leur reconnaissance. Il permettrait également d’en prendre collectivement la mesure et le sens et de se donner les moyens d’éviter les différents pièges que nous avons relevés précédemment. Nous savons que, bien que nécessaire, ce débat n’est pas simple car il ne peut pas s’affranchir complètement des contraintes liées à notre économie ouverte et mondialisée.

Enfin, dans la lignée même de ce plaidoyer pour la reconnaissance des activités bénévoles et hors emploi, cet inventaire et cette délibération ne peuvent se faire sans les premiers concernés. C’est une reconnaissance politique majeure du caractère vital de ces activités que d’inclure ces personnes dans ces espaces de délibération, comme citoyennes à part entière dont la parole est reconnue.

Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée vise à lutter pour le droit à l’emploi pour tous depuis 2016. Il a mis en place de nombreuses expérimentations locales qui visent à embaucher sur des activités « utiles » l’ensemble des chômeurs de longue durée du territoire. L’expérimentation part du principe fondamental que ce n’est pas le travail qui manque et que personne n’est inemployable. Elle fait le constat qu’un grand nombre de travaux utiles, d’une grande diversité, reste à réaliser – lorsque le critère de la rentabilité marchande n’est pas le seul déterminant dans le choix des activités.6

 

Alors qu’il nous apparaît que les besoins de reconnaissance ne sont pas suffisamment couverts, quelle stratégie adopter ? Faut-il élargir les « cases » déjà existantes ? En créer de nouvelles ? Imaginer une transformation globale de notre système de protection sociale ?

Le nombre considérable de personnes concernées aujourd’hui en France par des activités hors emploi utiles à la société (aidants, élus locaux, bénévoles, etc.) invite à des transformations mais des choix sont à faire sur le chemin à emprunter.

 

--------------------------------------------------

1 Ministère Intérieur, informations sur les indemnités dues aux jurés d'assise

2 www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/budget/

3 Voir la proposition 9 du pacte du Pouvoir de vivre (novembre 2021) : Mettre en place une banque des temps pour mieux articuler les temps de vie pour toutes et tous

4 CFDT, « Penser le temps de travail autrement », rapport de l’enquête sur le travail, 2017, p. 155,

5  www.monparcourshandicap.gouv.fr.

6  www.tzcld.fr/decouvrir-le-projet/des-emplois-utiles-mais-dans-quels-domaines/