Une histoire de la protection sociale
Une histoire de la protection sociale
L’histoire est battue et rebattue, citée et récitée : au beau milieu de la Seconde Guerre Mondiale, des hommes ont imaginé le destin d’un pays libéré. C'est au cœur de cette bataille que serait née l'idée puis ensuite la réalité de la Sécurité sociale : dans le programme du Conseil National de la Résistance (CNR), on trouve ce « plan complet de Sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État »1, qui prend vie à la Libération.
Dans une France asphyxiée par l’Occupation et par la Guerre, l’Assemblée consultative provisoire adopte les ordonnances du 4 et du 19 octobre 1945, instituant "une organisation de la sécurité sociale" . Parallèlement, on rédigeait la Constitution d’une nouvelle République proclamant dans son préambule un « devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».
Soixante ans plus tard, en 2007, un vice-président du patronat libéral prononce ces mots prémonitoires : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !2 ». Cette citation a souvent été rappelé par ceux qui défendent cet acquis social face aux vents dominants du néolibéralisme qui a inspiré les réformes de ces dernières années.
Mais cette focalisation sur l’événement 1945 lisse les désaccords de cette période, et masque d’autres moments et d’autres acteurs de la protection sociale. Pour rêver logique, il faut sortir d’une vision où luttent de Grands Hommes produisant inévitablement l’attente désabusée d’un Grand Soir.
D’autres épisodes peuvent éclairer des possibles et remettre en lumière ce qui a été naturalisé par le temps, décrasser la mémoire et vitaliser des figures figées en pierre de marbre. Comme le proposait Walter Benjamin, il nous faut nous « emparer d'un souvenir, tel qu'il surgit à l'instant du danger.(...) A chaque époque, il faut chercher à arracher de nouveau la tradition au conformisme qui est sur le point de la subjuguer3 »
C'est à ce détour par l'histoire que nous vous invitons.
- Claire Andrieu, « Le programme du CNR dans la dynamique de construction de la nation résistante », Histoire@Politique, 2014, no 24, p. 5‑23, http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HP_024_0005 // Michel Margairaz. “Singularité, postérité différentielle et actualité du programme du CNR.” Histoire@Politique n°24, 2014 p.88–98. http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HP_024_0088
- « Adieu, 1945, raccrochons notre pays au Monde », Denis Kessler, Challenges, n°94, 4 octobre 2007, p.38
- Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », in Oeuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 427‑443.